Dès 1948, des fondateurs d'Israël se rendent compte de la folie qui s'abat par le nettoyage ethnique de la Nakba (pour citer l'historien israélien Morris), tel le rédacteur de la Déclaration d'indépendance et le ministre Zisling (Tzizling).
Aharon Zisling est un personnage plein de contradictions, de critiques. Or, face aux premiers moments de la Nakba, il ne pourra pas rester silencieux. Le ministre du tout 1er gouvernement de Ben Gourion va clairement exprimer qu'Israël est en train de commettre un massacre. Zilsing est une figure majeure, puissante du sionisme. Il a été au commandement de la Haganah, un des créateurs du Ahdut HaAvoda (ancêtre de toute la gauche sioniste), délégué de l'Agence juive à l'ONU, et membre du comité exécutif de l'Organisation sioniste mondiale. Il est alors une des principales figures du Mapam (futur Meretz d'Aloni), à la gauche du Mapaï de Ben Gourion (futur Parti travailliste). Il est du cercle très restreint des pionniers du pays, des rédacteurs de la Déclaration d'indépendance d'Israël le 14 mai 1948. À la différence du groupe fasciste Léhi (1940-48) devenu Hérout puis Likoud (77, 88), d'une part forte du Mapaï de Ben Gourion, le ministre Zilsing n'a pas de haine contre les Arabes, et n'est pas ignorant de la dimension coloniale de son projet, ou il refuse toute expulsion. Il est difficile de sonder le cœur d'Aharon Zilsing, at-il vraiment cru en une paix judéo-arabe qu'il a tant proclamé ? Ce qui est intéressant, est de constater qu'il a été un lanceur d'alerte dès la première année de la création d'Israël sur les massacres des Palestiniens.
Le ministre de Ben Gourion en 48 déclare : "Des centaines de milliers d'Arabes dépossédés... grandissent dans la haine et nous ferons la guerre à travers tout le Moyen-Orient... Ils porteront dans leur poitrine le désir de revanche, d'indemnisation et de retour". Il continue au Parlement en novembre 48 : "Je n'ai pas pu dormir de la nuit... les choses qui se passaient faisaient mal à mon âme, à l'âme de ma famille et à nous tous ici.. Maintenant, les Juifs aussi se sont comportés comme des nazis et tout mon être a été secoué". Zilsing a vécu la virulence de l'antisémitisme en Russie, les pogroms, sait ce que veut dire utiliser le mot nazisme, sa force infâme. Or, c'est bien lui qu'il utilise au moment de son discours devant le Parlement pour parler des actes de son gouvernement contre les Palestiniens.
Aharon Cohen, dirigeant du Mapam, dès mai 48 : "Une expulsion délibérée des Arabes se déroule... D'autres peuvent se réjouir - moi en tant que socialiste, j'ai honte et je suis effrayé... En gagnant la guerre et en perdant la paix, l'Etat d'Israël... vivra sur son épée".
En 1948, le gouvernement israélien de Ben Gourion a conscience qu'il est en train de commettre des massacres, un nettoyage ethnique. Les dirigeants de la coalition l'interpellent pour que cela cesse, même au sein du gouvernement, Zilsing porte cette voix. Rien y fera.
L'historien Israélien Morris a fait des travaux exécrés en Israël sur les massacres, exécutions arbitraires, viols de la Nakba de 48. Licencié de Jérusalem Post, il devient précaire, et donc revire de position en 2004, retrouvant des fonctions universitaires, respectabilité. Il décrit la Nakba de 1948, tel un nettoyage ethnique, le déracinement de centaines de milliers de Palestiniens, même si après son volte face il le légitime : "Même les grands USA ne pourraient avoir été créés sans l’annihilation des Indiens". Or, il est intéressant de constater le retournement de Morris. Il ne déjuge pas ses rigoureux travaux du passé, car l'abondance des preuves le dépasse. Il légitime bien l'épuration ethnique des Palestiniens lors de la Nakba de 48, et la compare au massacre des Indiens. L'historien révèle à quel point ce nettoyage ethnique est empreint de racisme, préjugés : "Ben-Gourion a dit que les Arabes ne comprenaient que la force et que cette force ultime est la seule chose qui les persuaderait d’accepter notre présence ici". Il compte 369 villes, villages arabes. Il étudie que 228 minimum ont été attaqués, décimés par des troupes sionistes armés en 48. Dans 90 autres, les Palestiniens étaient terrifiés par les massacres, et ont fui pour survivre. Le reste est sans réponse. Il faut s'imaginer. Vous êtes chez vous, et vous apprenez qu'un massacre déferle à quelques kms chez des proches, et cela par un État créé, sans qu'on vous ait rien demandé. Vous fuyez. Par ailleurs, la plupart n'ont pas forcément suivi l'actualité des décisions de l'ONU.
Benny Morris est lapidaire sur un mythe israélien très connu : "Il n'existe aucune preuve démontrant que les États arabes et l'AHC voulaient un exode massif ou ont émis des ordres ou des appels généraux aux Palestiniens pour qu'ils fuient leurs foyers". C'est un vieux mythe entretenu par Israël d'un départ volontaire et prémédité des Palestiniens. Sauf que même le rapport préparé par les services de renseignement de l'armée israélienne du 30 juin 1948 balaye complètement une telle perspective, tout au plus 5% des cas. Ce rapport inscrit qu'a minima 58% de l'exode des Palestiniens a été causé par des opérations militaires israéliennes, 15% par les groupes fascistes Irgun et Léhi, et 22% des départs par peur de mourir. Selon les services de renseignement israéliens en 48, qui n'ont aucun intérêt à blâmer Israël (en était-il sûrement fier à ce moment), l'immense majorité de l'exode palestinien est de la responsabilité d'Israël, a minima 73 %. C'est l'application du très clair plan Daleth à ce sujet. Les 22% de l'exode résultant des groupes fascistes Irgun/Léhi, avec les pires massacres, ne sont pas le fait de groupes isolés, condamnés. Le gouvernement de Ben Gourion couvre l'impunité complète de ces dirigeants, qui seront haut-gradés, ministres, Premier ministre (Shamir, Bengin..).
De toute façon, cette doctrine militaire israélienne "mur d'acier" est issue du fasciste Jobotinsky, proche de Mussolini. Expropriation massive a minima : 73 000 maisons, 7 800 magasins, 5 millions de livres palestiniennes de comptes bancaires et 300 000 hectares de terres. Ce concept implique bien une violation d'une résolution de l'ONU. Le gouvernement de Ben-Gourion ne veut pas du retour des réfugiés palestiniens, il dira que c'est « à tout prix ». C'est contre la résolution 194 du 11 décembre 1948 de l'Assemblée générale des Nations-Unies. Dès la 1ère année d'existence, Israël ne respecte pas le droit international (ONU), qui fonde sa création. C'est révélateur de ne pas respecter l'orga internationale au fondement de son existence. De plus, l'agent ONU Bernadotte, qui fut témoin de la Nakba, sera assassiné.
Par Antoine Trupiano Remille
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