L'Histoire aux couleurs LGBTQIA+ et les fantasmes réactionnaires
- contrediremedia
- 28 juin
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Dernière mise à jour : 29 juin
Ces personnalités LGBTQ+ que la droite/l'extrême droite vénèrent sans le savoir, qui ont fait l'Histoire ou ont marqué la fameuse "grandeur française", ces temps fantasmés.
Ce texte a pour but de déconstruire cette image de l'hétérosexuel comme unique figure historique (plutôt en France), et par la même de faire un
écrit désagréable à lire pour un réactionnaire. Malheureusement trop peu de femmes évoquées, car les hommes se sont tant appropriés le pouvoir.
Vercingétorix (72/82 av. à 46 av. JC), le vaillant chef des gaulois d'Alésia, a eu des relations sexuelles, des histoires avec des hommes, au cœur d'une société bien moins dérangée par le sujet que les chrétiens ensuite. En effet, les peuples celtes, gaulois et romains avaient des mœurs bien plus libérés que l'Église catholique, qui a finalement tenté de se différencier de ces peuples, mais toujours avec hypocrisie. De sorte que la vérité des puissants n'était souvent pas celle des misérables. Ainsi, les récits divins de ces peuples pouvaient mettre en avant des idylles homosexuels, une fluidité du genre, tels Zeus, Apollon. Des enjeux de virilité, toxicité, patriarcat (femme pour la reproduction) existaient, ce n'était pas non plus les disciplines passés d'Emma Goldman. Il a donc été mis en avant une sexualité homosexuelle initiatique. Plus que cela, des auteurs, historiens, mettent en exergue que ce n'était pas mal vu que des hommes couchent avec des hommes, Socrate parle d'amour viril entre guerriers, bisexualité traditionnelle et décomplexée.
Prince des humanistes, de ce bouillonnement intellectuel européen des grandes avancées du XVe, Erasme a pu écrire des lettres enflammées aux hommes de sa vie, dont Servais Roger. Ces époques de grandeur, de puissance tant exaltées à droite ne seraient rien sans ses esprits. Puis, incarnation de l'esprit de la Renaissance, Léonard De Vinci (1452-1519) a réchappé quand il fut jetée en pâture dans un procès sur son attirance homo à ses 24 ans, il en dira : “Ma vie privée va devenir plus imprenable qu'une forteresse”. Son art est imprégné de ses romances. Quelques temps plus plats, les plus illustres membres de la Cour de Louis XIV, règne dit symbolique de la grandeur, n'étaient guère hétérosexuels. Il est possible de citer le général Le Grand Condé en poste depuis Louis XIII (lui-même épris d'hommes), Philippe d'Orléans et son âme sœur le chevalier de Lorraine, de Bonzi, le maréchal de Luxembourg, le cardinal d'Auvergne, le duc de Vendôme (mini sous Louis XV)... Certes, Louis XIV a sombré dans une dévotion extrême, influencé par de Maintenon, son âge vieillissant, que les protestants ont payé de leur sang. Or, le ministre Louvois de Louis XIV ne se voyait pas arrêter tous les grands stratéges, intellectuels de la Cour pour leur liberté sexuelle et romantique. Au-delà de nos fameuses racines chrétiennes, l'humanisme puis la Renaissance sont un temps de tant d'influences culturelles différentes. Même si Jésus n'a jamais prononcé une seule parole homophobe, l'Église tient encore dans ses mots à son ordre moral qu'il l'enrichit tant.
Si on s'éloigne un instant de la France, le commandant en chef des armées du Saint-Empire romain germanique (1683–1735), le Prince Eugène a été une des grandes figures militaires européennes de son époque, et personne n'ignorait alors ses liaisons avec certains de ses soldats.
Dernièrement nous avez eu cette polémique sur une Petite Sirène racisée, savez-vous que la Petite Sirène d'Hans Christian Andersen est une métaphore de son amour impossible pour Edward, le fils de son bienfaiteur ? La Petite Sirène est donc un homme qui a bien existé.
Ce ne sont pas des cas particuliers. Chopin, Ravel, Shubert, Tchaïkosvski, Balzac, Verne, Lautréamont, Mauriac, Cervantès, Cyrano, Flaubert, Goethe, Shakespeare, Sand, de Staël.. Toutes ces figures ont réfléchi leur genre, leur sexualité, asexualité, bi leur homo-romantisme.
Première femme à l'Académie française en 80, institution de référence de droite, Marguerite Yourcenar était clairement bisexuelle, mais cette privilégiée n'était pas du genre à s'engager. Ce qui explique sa nomination aussi, alors que la droite était publiquement homophobe. Sa grande romance fut la professeure Grace Frick.
Le fondamentaliste Erdogan qui n'a rien à envier à nos réactionnaires locaux, devrait peut-être s'intéresser au plus grand Empereur ottoman, Soliman Le Magnifique. C'est celui de la tolérance religieuse et de la romance passionnée avec Ibrahim, prêt à tout lui offrir. Ne pas oublier que la haine tenace des LGBTQ+ est en partie une importation occidentale. Les plus grands penseurs, intellectuels des dynasties islamiques exprimaient une liberté sexuelle et romantique, comme le grand poète Abū Nuwās, les savants Omar Khayyam, Al Jahid. Si bien que le Cheikh Rifa'a al-Tahtaw a constaté au XIXe siècle le mouvement de censure européen sur des contes et textes érotiques arabes, sur l'amour homosexuel. Cette censure a si bien marchée, que des pans entiers de cette Histoire semblent avoir été largement oubliés.
Une définition normée du genre et de la sexualité s'est imposée sous l'impulsion coloniale en Afrique. Ces structures étaient bien plus fluides et mouvantes avant la colonisation européenne, et le combat de l'armée française avec la Reine Sarraounia Mongo en a été l'illustration.
L'importance de cet éloignement de l'hétérosexualité n'est pas exclusive au grand esprit. C'est plutôt la démonstration du luxe des puissants, une capacité à se soustraire des normes imaginaires imposées au peuple, normes devenues une construction sociale, mentale vue indépassable. In fine, l'homme hétéro de genre masculin et la femme hétéro de genre féminin sont des constructions sociales, des normes forgées à travers les siècles, des outils de contrôle. À défaut de contestation d'un ordre établi injuste, prenez votre opium cher peuple, tel est le message.
L'Histoire est si fluctuante, changeante, empruntant à des cultures diverses, des évènements se confrontant dans le sens d'une époque, fluctuant au gré de l'appartenance sociale. Il est illusoire de croire que l'hétérosexualité aurait toujours été la seule norme perpétuelle.
Il est intéressant de constater que cela va choquer certains que des personnalités puissent n'avoir pas été hétérosexuels (avec recul sur les personnalités antiques comme Vercingétorix, une dose d'incertitude raisonnable). Or, cela ne vous a jamais dérangé et vous n'avez sûrement jamais réagi à leur assignation arbitraire à l'hétérosexualité, et cela en dehors de tout contexte culturel, des pratiques de leurs peuples, de certaines sources sciemment ignorées.
La construction de l'hétérosexualité comme norme indépassable est finalement assez récente à l'échelle de l'Histoire de l'humanité, et a été rapidement contestée dans toutes les sphères de la société. Cela a établi une oppression aux effets toujours présents et vécus.
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