Le Parti démocrate a perdu dans toutes ses contradictions. Il a parlé du génocide à Gaza un jour, puis soutenu inconditionnellement Israël le lendemain, voulu incarner l'antiracisme sans lutter contre l'idéologie du Parti républicain, tout en passant tout son temps à viser sa propre aile gauche au détriment de son implantation dans certains États. C'est en plus d'avoir Harris qui dit tout et son contraire, aligne des discours différents en fonction des auditoires, et acquis à tous les opportunismes dans sa carrière politique.
En cœur avec le Parti républicain, le Parti démocrate n'a trouvé qu'à alimenter les pires rumeurs et ragots au sujet de Sanders. Sanders, c'est Franklin D. Roosevelt adapté à son temps, une orientation historique légèrement à gauche qui a permis au Parti démocrate de conquérir l'électorat populaire. Transformer une figure qui parle enfin aux classes populaires en monstre serait donc la meilleure stratégie ? La droite démocrate avait certes déjà cassé l'héritage créé par le mandat de Franklin D. Roosevelt et son incroyable ministre Frances Perkins. Les directions successives du Parti démocrate s'en sont largement chargées, et cela jusqu'à la révolution conservatrice de Reagan, puis à leur manière réactionnaire celle des Nouveaux démocrates de Bill Clinton.
Sanders a participé à l'œuvre de générations d'élus du Vermont qui ont enraciné cet État à gauche, en mettant en exergue la question sociale. Cet État anciennement républicain est désormais solidement ancré dans le camp démocrate, voici le travail de terrain en action. Des Sanders, il y en avait bien plus qu'un qui a siégé au Sénat des États-Unis il fut temps, et guère besoin de siéger en indépendant pour cela, ces derniers s'inscrivaient dans la lignée de Roosevelt. Les néolibéraux du Parti démocrate ont avancé doucement leurs pions. D'abord, ils ont mis en avant les luttes des minorités afin d'abandonner la cause des travailleurs, et ensuite ils ont abandonné les minorités. Ils n'ont que peu apprécié que Martin Luther King commence à mettre en avant une approche mêlant racisme et classe sociale. Déjà sous surveillance, la rupture fut rapidement consommée entre l'icône des droits civiques et le Parti démocrate. Offrir des places d'élus à quelques amis de ce dernier a permis de vivre sur son combat pendant un temps, or l'instrumentalisation ne fait plus rêver l'électorat afro-américain. Il ne restait qu'au Parti républicain de profiter de ce climat pour entretenir les divisions entre tout le monde, et Trump en est le spectre le plus terrible. Face à l'augmentation de Trump dans le vote afro-américain de certains territoires, on se dit qu'un homme afro-américain peut ainsi se dire que voter Trump répond à ses intérêts d'homme, et cela peu importe les droits des femmes, est-ce après tout son problème ? Chacun est maître de sa destinée manifeste, chacun est son sefl-made man. La solidarité n'existe pas dans la monarchie du dollar.
Le vice-président Tim Walz était la caution dite de gauche de ces élections, celui qui n'aurait eu aucun pouvoir en cas de victoire de Harris. Walz sait saisir les opportunités. Au temps des Nouveaux démocrates, il a essayé de ne pas faire trop de vagues, au temps de la percée de la gauche et du mécontentement social, il est devenu le gouverneur du Minnesota qui adopte des lois pour la protection sociale, les budgets des services publics (l'éducation), antiracistes et enfin une approche économique des droits LGBTQ+. Il parle à l'Amérique populaire par ses intérêts de classe, la question sociale. Il rappelle un écho du sénateur Paul Wellstone, peut-être juste un écho malheureusement, qui sait ce que ce Monsieur défendra demain. De sorte que l'avenir dira si le revirement de Walz est un épiphénomène ou une vraie démarche sociale marquante.
Bien trop occultée et pourtant si éclairante, Perkins est une des plus grandes ministres du Parti démocrate au pouvoir. Cette figure du New Deal aurait dû être une personnalité incontournable des références du Parti démocrate, pourtant le sexisme et le néolibéralisme auront raison de son empreinte politique. Toutefois, elle est issue d'un milieu assez favorisé, loin du manque, mais cette avocate va défendre de toutes ses forces les droits des travailleurs, tout en se liant à des personnalités du mouvement syndical et ouvrier. Elle n'est pas du genre à céder aux volontés de la droite, et assume son refus de déporter le leader communiste de la côte ouest, Harry Bridges. Telle une wokiste de son temps, elle constate que les travailleuses affrontent deux oppressions, leur classe sociale et le fait d'être des femmes. Cette amie d'Eleanor Roosevelt a tenté tant bien que mal de porter ces idées révolutionnaires au sein de ce cabinet d'hommes, dont une partie se souciait davantage de leurs intérêts que des opprimé.es.
Perkins était proche de Pauline M. Newman, militante syndicale ouvrière et LGBTQ+. Elle a été la 1ʳᵉ femme secrétaire générale de l' Union internationale des travailleurs du vêtement féminin (ILGWU), ainsi que directrice de l'éducation du centre de santé ILGWU pendant six décennies. L'ILGWU a été un grand nom des luttes des travailleuses aux États-Unis au début du XXe siècle, des combats que certains démocrates ont soutenus, au sein d'un parti s'orientant alors de moins en moins à droite.
Il faut aussi citer Clara Lemlich, suffragette, communiste, féministe et activiste pacifiste. Elle subit aussi les affres de l'antisémitisme. La syndicaliste mène le mythique soulèvement des 20 000 en novembre 1909, grève générale des ouvrières dans les usines de textile de New York, soutenue par le syndicat révolutionnaire Industrial Workers of the World. Fannia Cohn. Militante syndicale ouvrière, socialiste et féministe juive, Fannia Cohn s'impose aussi à l'ILGWU, en pleines ensions avec ses collègues masculins, avide de pouvoir, anti-communistes ou sexistes. Cette pionnière du mouvement d'éducation ouvrière aux États-Unis ne veut pas entendre les hommes dire que le bas ouvrier est trop bête pour tout comprendre et encore une ouvrière. Ce ne sont que des exemples de la richesse méconnue des luttes syndicales dans le pays de Trump et Harris. Les ouvrières de General Motors. Les premières luttes syndicales des ouvrières comme Sarah Bagley au Minnesota, les grandes grèves fin 1936 et début 1937 des ouvrières de General Motors, la New York Women's Trade Union League, les luttes après l'incendie de l'usine Triangle Shirtwaist Factory de 1911, tant d'exemples existent et se perpétuent. Les USA peuvent concrétiser un brin cette aspiration sociale avec un Roosevelt, une Perkins, un Sanders, pas un Biden ni une Harris.
Les mouvements féministe, antiraciste, syndical n'ont pas soutenu Biden aux casseroles connues de tous par grand emballement, que cela soit ses liens avec les ségrégationnistes, son passé réac, ses accusations de VSS. Pour la survie, il a fallu faire semblant que les victimes n'existent pas, que cet homme est un exemple de bonté. Le Parti démocrate a favorisé des nominations de proches du Parti républicain à des postes de fonctionnaires, comme des anti-IVG, des racistes... Les électeurs attendent éternellement que les promesses de lois protectrices à l'échelle fédérale soient votées.
Lors des primaires démocrates, il est structurellement fait pour qu'il ressorte un candidat de droite qui ment sur ce qu'il pense pour gagner les élections. Tout le monde fera semblant qu'il dit la vérité pour le moindre mal. Ces primaires ne sont pas vraiment des exemples d'organisation transparente et sincère des votes, Sanders l'a vécu à ses frais. Ces fausses primaires ont même amené Hillary Clinton à être victorieuse face à Sanders, tout de même Clinton, si belliciste et sans doute la moins appréciée du cabinet Obama, un échec évident.
En dehors des campagnes fourbes, de nombreux parlementaires, sénateurs démocrates ne soutiennent pas tant le droit à l'IVG, la lutte contre les discriminations. Dès lors, la direction du Parti démocrate veut éviter des votes qui mettraient en évidence ces réactionnaires établis de leur propre camp. Ces démocrates néolibéraux font cause commune avec les républicains, quand il faut empêcher le centre gauche démocrate de diriger un État (parfois accessible), d'investir des millions et des millions d'euros en campagne de dénigrement de sa gauche. Tant pis pour la cohérence, les droits humains et l'implantation locale. Il y avait Trump en face, donc il fallait jouer la funeste tragicomédie continuelle, Biden était devenu le candidat du progressisme en 2020, ensuite Harris en 2024. C'est quoi le progressisme ? Personne ne sait, un mot creux qui permet de réunir tous ceux qui ne veulent pas d'un Trump. Ce fut un échec.
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