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L'obsession "islamogauchiste" du gouvernement Barnier

Le nouveau gouvernement de Macron et Barnier a comme obsession l'islamo-gauchisme. Hier c'était le judéo-bolchevisme, aujourd'hui c'est l'islamogauchisme, mêmes dérives, même ignorance. Ce terme est dépourvu de toute réalité scientifique.


Le macronisme a fait quelques sorties obsédantes sur l'islamo-gauchisme avec Blanquer et Vidal. C'était l'écho du pire de l'Histoire, de l'ignoble judéo-bolchevisme. Le recadrage de la communauté scientifique et universitaire avait calmé la macronie, mais certainement pas les Retailleau, Hetzel, Garnier, les plus réacs de LR désormais alliés à Macron.


Alertée par la prolifération d'un vocabulaire d'extrême droite, la communauté scientifique s'était élevée face aux dérives des macronistes, notamment Blanquer et Vidal. Le prestigieux CNRS avait publié un article édifiant le 17 février 2021 : "L’« islamogauchisme » n’est pas une réalité scientifique".


Dont voici une part si édifiante :

"Concernant les questions sociales, le rôle du CNRS, et plus généralement de la recherche publique, est d’apporter un éclairage scientifique, une expertise collective, s’appuyant sur les résultats de recherches fondamentales, pour permettre à chacun et chacune de se faire une opinion ou de prendre une décision. Cet éclairage doit faire état d’éventuelles controverses scientifiques car elles sont utiles et permettent de progresser, lorsqu’elles sont conduites dans un esprit ouvert et respectueux.


La polémique actuelle autour de l’ « islamogauchisme », et l’exploitation politique qui en est faite, est emblématique d’une regrettable instrumentalisation de la science. Elle n’est ni la première ni la dernière, elle concerne bien des secteurs au-delà des sciences humaines et des sciences sociales. Or, il y a des voies pour avancer autrement, au fil de l’approfondissement des recherches, de l’explicitation des méthodologies et de la mise à disposition des résultats de recherche. C’est là aussi la mission du CNRS."


Derrière la manipulation de "l'islamo-gauchisme", les universitaires craignaient la volonté de censure du pouvoir de la liberté académique. La macronie n'a pas voulu apparaître comme une bande d'ignares, et a dû considérer la position ferme du monde universitaire et scientifique. Ainsi, l'ancienne Sylvie ministre macroniste de l'enseignement supérieur Retailleau s'est distancée de sa prédécesseure, elle rejetait ce mythe d'une "université gangrenée par l'islamogauchisme". Le 26 juin 2024, elle exprime que : "Si je le pensais, vous m’auriez déjà entendu le dire mais ça n’a pas été le cas durant mes deux ans au ministère. On a bien essayé de me le faire dire, j’ai toujours refusé".


Or, le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur Hetzel a défendu le 24 avril 2024 la création d'une commission sur l'entrisme idéologique et dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur. Dans les années 30, c'était plutôt la volonté d'une commission sur l'entrisme idéologique et dérives judéo-bolcheviques dans l’enseignement supérieur. Le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau ne cesse d'user du mot "islamo-gauchisme" et ses dérivés, sans se soucier un seul instant des études étaillées sur l'absence de réalité de ce concept.


Les macronistes ont pu le faire par pure démagogie, le problème est que Retailleau l'entreprend en raison d'une idéologie dangereuse, qu'il a puisée au RN. Le mécanisme ne change pas véritablement. Il ne faut pas dire qu'on déteste les musulmans, comme les antisémites de la droite modérée des années 30 ne disaient pas toujours haïr les juifs. Le problème pour ces derniers est l'islamo-gauchisme, ou bien ce fut le judéo-bolchevisme.


Dans le cas de Bruno Retailleau, il est concocté un plat des plus indigeste, lorsqu'il mélange à sa dénonciation de l'islamo-gauchisme tous ses autres adversaires. Il n'hésite pas à appeler en une phrase à la lutte contre les théories du genre, LGBTQ+ ou islamo-gauchistes à l'école. Il apparaît fortement visible que ce mélange ne vise qu'à fortifier les intérêts des dominants que défend Retailleau. Si c'est un opposant au féminisme, aux droits LGBTQ+, un religieux extrémiste, qu'est-ce qui différencie tant ce Monsieur d'un fondamentaliste islamiste qu'il conspue ? Il entre en scène une question de pouvoir, Retailleau représente les intérêts des gens qui lui ressemblent, et il est prêt à tout pour ne pas perdre une once de privilèges.


Bien évidemment, l'Histoire n'est pas la même, d'autres facteurs entrent en compte. Or, ce qui est à mettre en exergue, semble être la même mécanique raciste qui se déploie d'une part, l'essentialisation, et la même stratégie pour normaliser cette oppression. Au début du XXe siècle, les fascistes ont théorisé un lien entre leurs deux grands ennemis : l'ignoble "élimination des juifs", une vieille obsession nationaliste, et la lutte contre le bolchevisme, autre obsession de la droite depuis la fin de l'Empire. Cela constitue le sens du "Mein Kampf" d'Hilter, du combat mené contre le monde universitaire par Francisco Franco en Espagne, jusqu'à indigner des intellectuels libéraux soutenant le coup d'État de 1936, comme le recteur de Salamanque.


Au cœur des années 20/30, la gauche est identifiée comme un allié des personnes de confession juive, particulièrement par son rôle dans l'affaire Dreyfus. C'est à l'inverse de la droite qui se positionne massivement contre Dreyfus. D'où ce terme "judéo-bolchevisme" qui va proliférer autant à droite qu'à l'extrême droite, même des prétendus de gauche qu'on retrouvera contre le Front populaire. C'est le même procès fait sur la lutte contre la haine des musulmans. De nos jours, la gauche est identifiée par la droite comme opposée à toute attaque contre les personnes musulmanes. D'où ce terme "islamo-gauchisme".


Pour soutenir cette conception antisémite qu'était le "judéo-bolchevisme", il y a bien eu quelques universitaires, des intellectuels dits respectables, et malheureusement de plus en plus au fil des années. On en retrouve pour porter la folie de la théorie de l'islamo-gauchisme. Toutefois, il faut souligner que la communauté universitaire et scientifique française résiste tant bien que mal à cette tendance dangereuse du blâme des "islamo-gauchistes". Pour combien de temps, combien de têtes il est nécessaire de changer dans les directions universitaires pour arriver au résultat escompté ?


Combien d'intellectuels libéraux regretteront leurs actes ? L'éminent recteur de Salamanque Miguel de Unamuno a soutenu le coup d'État de Franco et Hitler en Espagne lors de l'année 1936. Un peu tardivement le 12 octobre 1936, il refuse de célébrer la «Journée de la race espagnole», celle des tenants du judéo-bolchevisme et du "péril juif" de Drumont.


Il est vrai que les obsédés de l'islamogauchisme peuvent finir par s'imposer. Pour citer de Unamuno : "Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat".

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